Dans à peine deux semaines, ma minette aura déjà un an. Pas tout à fait un an qu'elle est officiellement entrée dans ma vie, mais bien un an que la vie lui a été donnée. Cela me semble si loin et en même temps si proche ! Du plus loin que je me souvienne, j'ai toujours voulu avoir un chat, mon propre chat. Mes parents en avaient eu un, et depuis qu'il les a quittés, ils n'ont plus jamais voulu en revoir un dans leur maison (surtout ma mère à vrai dire). C'était trop douloureux pour eux. Et pourtant, combien d'années ont passé ? Plus de dix ans, ça j'en suis certaine. Plus de dix ans à demander une petite peluche à mes anniversaires, à mes Noël. Jusqu'à penser que ce jour n'arriverait jamais tant que je vivrais chez mes parents, et que c'était pas demain la veille que je pourrais avoir mon propre chez-moi. C'était un rêve qui était encore bien loin d'être réalisé, et pourtant, l'une des choses que j'ai le plus voulue au monde... Je n'avais jamais autant désiré quelque chose. Jamais aussi fort.
Et un beau jour, ma meilleure amie rentre chez elle, et elle me fait tout de suite part de l'énorme surprise qui l'attendait à la maison : sa mère avait recueilli une chatte errante, et quatre beaux bébés étaient nés. Quatre petits chatons. Ce fut un grand moment d'excitation, d'émerveillement et de découvertes. Nous qui adorions les chats, avoir la chance de pouvoir assister à l'épanouissement de chatons, c'était quelque chose d'absolument inespéré ! Rapidement, je n'ai pu résister à l'envie d'aller les voir en vrai : la première fois que je les ai rencontrés, ils avaient à peine trois semaines. Ils étaient adorables, et avaient la fâcheuse tendance à lécher mon jean, je ne sais pas pourquoi. Il y avait deux petits noirs et blancs, un tout noir, et un autre chaton dont la couleur était assez indéfinissable. À vrai dire, ce n'était pas le plus beau à première vue, et puis, c'était le plus petit de la portée qui n'aurait certainement pas survécu s'il était né dehors. Ses yeux étaient un peu sales aussi, il était si fragile... Mais c'est sur ce chaton que mon coup de cœur s'est porté immédiatement, même si je les adorais tous. Et puis, il s'est révélé que ce petit chaton était une femelle. Quelque temps plus tard encore, sa fourrure avait bien poussé, et il s'agissait d'un pelage d'écaille de tortue, et elle était déjà magnifique, avec ses petits yeux bleus de chatons. Plus les jours passaient, et plus je me sentais amoureuse de ces chatons, nés au début du mois de mai.
Mon anniversaire à moi étant au début du mois de juin... Ne serait-ce pas un merveilleux cadeau, que de pouvoir adopter un de ces petits en recherche d'un foyer pour août ? J'ai tenté ma chance, en rigolant, pour voir. Refus. Ce fut une période difficile pour moi, car c'était l'occasion rêvée : je pouvais passer du temps avec ces bébés avant d'en adopter un, ce qui fait que le changement de maison aurait été moins difficile. Je me sentais en colère, mais aussi triste, parce que ces chatons étaient si proches de moi, et à la fois si inaccessibles... C'était dur. Les jours ont passé, jusqu'à ce fameux séjour chez ma meilleure amie à la fin du mois de juin. De belles journées à jouer avec les chatons, jusqu'à cette conversation par sms avec ma mère. Moi, lui expliquant à l'aide de mon amie combien c'était une chance et une opportunité inouïe de pouvoir adopter un nouveau chaton dans de telles conditions. Elle, me disant que c'était difficile pour elle de tourner la page avec son ancien chat. Et finalement... L'accord. Ma mère me disait oui. Me disait de le choisir, de le baptiser. D'envoyer quelques photos. Je n'en revenais pas, j'avais l'impression de rêver, et je crois que j'aurais bien pu pleurer si j'avais été seule à ce moment. Mais une joie immense m'a soudain envahie, et c'est ainsi que l'adoption de la petite Magou s'est décidée... Car oui, cette petite femelle écaille de tortue toute menue était encore disponible. Elle était à moi, maintenant, elle m'appartenait. Il n'y avait plus qu'à attendre le milieu du mois d'août, pour qu'elle soit bien sevrée. A chaque fois que je l'ai revue par la suite, c'était tellement de bonheur et de joie ! Elle avait le poil de plus en plus doux et soyeux, c'était incroyable, je n'avais encore jamais connu de chat aussi doux. J'étais pressée qu'elle puisse venir à la maison, de lui montrer ma chambre, de lui acheter des jouets, de la câliner toute la journée... et en même temps un peu effrayée, peur de ne pas être à la hauteur et de mal m'en occuper.
Et le grand jour est arrivé. La distance entre sa ville natale et celle où elle allait à présent vivre étant assez conséquente, je l'ai ramenée en train, que j'ai jugé plus silencieux et beaucoup moins en mouvements qu'une voiture, c'était aussi plus rapide. C'est là que ma patience et mon amour ont été mis à rude épreuve. C'était la toute première fois qu'elle sortait dehors, et bien entendu, la rue lui faisait peur, elle miaulait et c'était à fendre le cœur. Il fallait aller jusqu'au bout pourtant, il était trop tard pour reculer. J'ai toujours fait en sorte qu'elle puisse me voir durant le trajet, ce qui la rassurait. J'avais essayé de lui mettre un drap pour qu'elle ne voit pas les autres gens, mais elle ne le supportait pas, je l'ai donc retiré. Et puis, après environ 1h30 de descentes et de montées, nous voici à la maison. La maison de Magou. C'était un drôle de moment, moi et mon amie près de la cage de transport, ma mère, mon père et mon frère curieux de voir enfin cette petite bête pour de vrai. J'ouvre, la voilà qui sort doucement, qui regarde les gens autour d'elle, qui sent ces milliers de nouvelles odeurs. Elle se réfugie sous la table basse, sort la tête pour nous regarder. Puis elle fait le tour de la pièce, et une seule évidence pour elle : ni sa mère, ni ses frères ne sont là. Elle marche, elle cherche, elle miaule... J'ai eu très mal au cœur durant ces premiers jours, de la voir chercher des chats qu'elle ne reverrait plus jamais. C'était difficile, même si je savais que ça finirait par lui passer, je la voyais bien chercher, et j'avais envie de lui expliquer, mais c'était impossible. Durant ces premiers jours, j'ai laissé ma chambre à mon amie, je dormais donc dans le salon, là où ma petite puce avait toutes ses affaires. Je ne pouvais pas la laisser dormir seule, déjà qu'elle n'avait plus de compagnons. J'ai appelé cette période là le « cat-blues », parce que sitôt que j'éteignais la lumière puis me couchait, je pleurais. Je pleurais toutes les larmes de mon corps, parce que j'avais mal au cœur pour Magou. Sans doute que je l'ai trop humanisée et que je me suis mise à sa place avec de fausses idées en tête, mais je ne pouvais pas m'en empêcher. Et, comme si elle avait compris mes pensées et les raisons de mes larmes, après une dernière séance de jeu près de moi, elle venait se coucher tout contre mon ventre. Elle me pétrissait un peu, une habitude qui lui est rapidement passée, et je la caressais, elle ronronnait et je lui promettais de toujours l'aimer et de la rendre heureuse. Furtivement, j'ai pensé que je ne pourrai pas la garder ni lui donner le bonheur dont elle avait besoin, mais je n'y ai pensé qu'une ou deux secondes. Calmées toutes les deux, on finissait par s'endormir. Les deux premières nuits furent chaotiques, car elle me réveillait pratiquement toutes les heures ! J'ai dû apprendre à dormir avec un chat, et ce n'était pas gagné d'avance ! Voilà commençait notre petite vie à deux. On a petit à petit investi le reste de la maison : la litière dans les toilettes, les gamelles dans la cuisine, et nous dans la chambre. Mon lit étant surélevé, j'ai improvisé un petit escalier pour qu'elle puisse me rejoindre, et elle dormait avec moi jusqu'à ce que je me réveille. Au début, elle avait peur de bouger sans moi. Et au fil du temps, elle finissait par s'avancer vers la porte, à observer silencieusement les membres de la famille se préparer le matin, jusqu'à enfin aller vers eux. S'ils l'avaient tous immédiatement adoptée, il lui a fallu à elle quelques semaines pour leur faire confiance et les adopter aussi. Maintenant, les nuits où elle dort encore contre moi sont rares ! Il y a tant d'endroits confortables où s'installer dans la maison, même si elle reste très dépendante de moi affectueusement parlant. Je suis la seule personne qu'elle connaissait en arrivant, et je pense que cela a beaucoup joué sur notre relation. Si elle joue un peu avec les autres, elle me considère peut-être comme sa mère à présent, et me réclame beaucoup d'attention et de moments de jeux, et je trouve ça fabuleux d'avoir une telle complicité et une telle entente avec un animal. Nous partageons beaucoup de choses que je ne soupçonnais même pas avant de l'adopter. J'ai aussi découvert que les chats pouvaient être extrêmement bavards, et pas seulement les siamois ! Dès qu'elle est arrivée, elle a commencé à miauler pour un rien : appeler, chercher, réclamer des jeux, demander si on dort, demander à boire, ou alors tout simplement pour dire « hey je suis là moi »... Et elle n'a jamais cessé d'enrichir son vocabulaire. C'est un peu ce qui fait sa spécificité et son caractère. C'est une râleuse, une bavarde, une têtue. C'est le chat le plus adorable que j'ai jamais vu, je lui fais subit plein de choses, et elle ne se rebelle jamais, elle se laisse faire. Même si elle a un bon lot de bêtises à son actif...
Avoir un animal, ce n'est pas quelque chose d'anodin, surtout quand la relation qu'on développe avec lui est particulière. Je n'aurais pas pu rêver mieux, et finalement, ça valait le coup d'attendre toutes ces années pour avoir un chaton aussi beau et aussi affectueux que l'est ma Magou. Je crois que je ne saurais jamais exprimer toute ma gratitude à mes parents, tout le bonheur que je peux ressentir aux côtés de ce chat, qui mine de rien, a aussi permis de ressouder nos liens familiaux. Je ne sais pas si je pourrais aussi exprimer tout ce que j'ai sur le cœur, toute la reconnaissance que j'éprouve pour mon amie et sa mère qui m'ont permis d'adopter cette petite femelle au pelage étrange. Parce qu'elle éclaire chacune de mes journées, elle me console quand je suis triste, elle me rappelle que la vie peut être faite de simples joies. Sa présence a carrément changé ma vie.